Après une pluie qui a duré toute la matinée, le soleil réapparaît à Adidogomé, une banlieue de Lomé. Au bruit de la sonnette apparaît un jeune homme tout souriant. « Qu’est ce qui va se passer aujourd’hui » ? murmure-t-il, l’air dubitatif. C’est la deuxième fois que Blessing Sessi accorde une interview à un média pour parler de ses réalisations.
Du haut de ses 19 ans, Blessing Sessi bricole sa dernière trouvaille, une imprimante 2D dans le garage de son père qu’il a transformé en atelier. À ses côtés, une trottinette électrique fabriquée de toutes pièces avec du matériel issu de la récupération. Comme pour se démarquer des autres trottinettes et personnaliser son chef-d’œuvre, il lui a apporté une touche spéciale.
A l’aide d’une application qu’il a développée lui-même, il peut allumer et bloquer son engin à distance via son téléphone, afin d’être à l’abri des voleurs. Pour se faciliter la tâche, il a doté sa machine d’un boîtier verrouillable avec son smartphone où il cache certains de ses objets. Un système lui permet d’éclairer à volonté sa trottinette, aux couleurs de son choix.
Les premiers balbutiements
La fabrication de cet engin ne date pas d’aujourd’hui. Les débuts remontent au collège. En effet, l’autodidacte a décidé de trouver une solution à ses heures de marche pour se rendre facilement à l’école. « Le fait de beaucoup marcher m’a rendu finalement paresseux. J’ai donc eu l’idée de concevoir un engin qui me faciliterait le déplacement. N’ayant pas les moyens pour m’acheter une trottinette, j’ai décidé de la fabriquer moi-même », déclare Blessing Sessi.
En 2018, alors qu’il était en classe de troisième, il commence à mettre ses idées sur papier. Ne disposant pas de matériaux nécessaires, le jeune togolais va réfléchir à comment matérialiser son idée et opte pour le recyclage. Petit à petit, il arrive à rassembler les outils et les éléments nécessaires à son puzzle. Ce qui va d’ailleurs le conduire à choisir de poursuivre ses études au Lycée technique d’Adidogomé après l’obtention de son BEPC (Brevet d’études du premier cycle). Mais il va rester sur sa faim. « A l’école, c’est purement de la théorie. On nous apprend juste les calculs. C’est vrai que le cours sur la construction mécanique m’a un peu aidé, mais les autres, pas vraiment. Même le cours sur l’électronique, comme ce n’est pas numérique, ça ne m’a pas servi. Ce sont les recherches sur internet qui m’ont poussé à concevoir ma trottinette électrique ».
Ce n’est qu’en 2020, en classe de première que sa fabrication commencera à prendre corps. Il a profité des vacances pour monter le prototype.
Bricolage, recyclage, programmation
Blessing Sessi conçoit le cadre de sa trottinette électrique avec des métaux et utilise du bois pour fabriquer certains coffres. Dans un premier temps, il matérialise son moteur avec celui d’une perceuse ou d’une tronçonneuse, avant de se procurer un moteur approprié au port de Lomé, après plusieurs mois de recherches et de difficultés. Les freins, les phares, le tableau de bord etc. sont bricolés par lui-même. Selon lui, 80% de sa trottinette est issue du recyclage.
Si le jeune Sessi a conçu au départ sa trottinette juste pour se déplacer, il va plus tard en améliorer le design. « Actuellement, j’essaie d’ajouter de la programmation pour le parfaire. Je l’ai bien équipé pour le rendre intéressant et me faciliter la tâche. Tout est programmé via téléphone », soutient-il. Pour l’instant, l’outil lui permet juste de circuler dans un espace restreint à cause de sa faible autonomie. « Par manque de moyens, je n’ai pas encore une batterie d’une grande capacité. Donc je l’utilise juste pour me balader dans le quartier, aller faire les courses, à l’école… Je ne vais pas encore très loin avec. Ça pourrait aller plus loin. Dès que j’ai les moyens, j’augmenterai son autonomie », explique-t-il.
S’il a grillé certains appareils dans la fabrication de cette trottinette, le Togolais ne regrette rien de son parcours. Au contraire, cette expérience l’a boosté mentalement et lui a permis de découvrir certaines techniques qui lui permettent de se perfectionner davantage.
La principale difficulté rencontrée par Blessing Sessi dans cette aventure est liée au moteur. « Ma première difficulté a été la transmission du moteur à la roue. Je fabrique moi-même les pignons, les plateaux avec les chaînes de vélo et d’autres pièces mais ça n’a pas vraiment marché. J’ai fait péter plein de trucs. Mais Dieu merci, je n’ai pas eu trop de difficultés au niveau de l’électronique. Je maîtrise mieux ce domaine », reconnaît-il.
De la chambre à coucher au garage
Au collège, Blessing stockait déjà certaines machines dans sa chambre à coucher. Avec le temps, ces objets ont fini par occuper assez d’espace. Après avoir constaté la condition dans laquelle il vivait, son père bibliothécaire qui n’appréciait pas son comportement, finit par lui aménager son garage pour lui permettre d’avoir suffisamment d’espaces. Ceci ne l’empêche pas de toujours bricoler dans sa propre pièce.
Cette passion pour l’électronique et le bricolage remonte en classe de CE2 alors qu’il réussissait pour la première fois à alimenter un baffle avec une pile. Fan de l’acteur américain Tony Stark, Blessing économise son argent de poche pour s’acheter le matériel nécessaire pour ses premières réalisations, avant de bénéficier de certains appuis de sa famille.
Avec des moyens limités pour se payer la connexion internet et ses instruments de travail, le jeune est parfois limité. « Il y a plein de choses que je peux fabriquer. Mais le manque de financement limite mes projets, il faut vraiment attendre un bon moment pour trouver les moyens avant de se lancer dans d’autres projets. Je souhaiterais aussi décrocher une bourse pour me perfectionner », estime-t-il.
Actuellement, Blessing Sessi fabrique une machine qui va lui permettre de réduire les corvées de la cuisine. Ventilateur, enceinte bluetooth, amplificateur de réseau mobile, ring light etc…il n’est pas encore au bout de ses créations. Celui pour qui le bricolage est comme un jeu d’enfant, est souvent sollicité pour fabriquer des accessoires ou réparer des objets.
Le moyen de transport de Blessing n’attire pour l’instant que quelques regards lors de ses déplacements. Mais le jeune ambitionne de créer plus tard, une entreprise pour fabriquer d’autres objets pouvant faciliter la vie aux citoyens, en attendant son admission à l’École nationale supérieure d’ingénieurs (ENSI) de Lomé.
Source : Togo First