Elle fait partie des rares femmes togolaises à se lancer dans la fabrication de chaussures et d’autres accessoires de mode, après un parcours peu conventionnel. Celle qui a préféré troquer sa blouse blanche est aujourd’hui la patronne de “DD Fashion” et ne regrette pas son choix.
Entourée d’un tas de chaussures et d’outils de cordonnerie, Déborah Agbo pense à la dernière touche à apporter à ses nouvelles créations. Dans sa main, un chapeau traditionnel de roi qu’elle vient de confectionner. Le chef d’œuvre attire beaucoup de clients qui n’hésitent pas à l’essayer. Une bonne nouvelle pour l’entrepreneure qui cherche déjà d’autres débouchés.
Le déclic
La marionnettiste comédienne, métier qu’elle a hérité de son père, arrivait difficilement à joindre les deux bouts. « J’écrivais des scènes qu’on jouait ensemble. Mais je vivais difficilement de ce métier. J’ai voulu donc faire un travail qui me permettrait d’être rémunérée à la fin de chaque mois. C’est ce qui m’a dirigée vers la pharmacie », déclare Déborah Agbo. Après une formation d’auxiliaire en pharmacie, elle a exercé comme vendeuse en pharmacie, de 2011 à 2015, avant d’abandonner cette activité pour développer son talent. « Je n’étais pas trop dans ma peau. J’aime être libre. Et je préfère être à l’aise dans ce que je fais », souligne-t-elle. A ses heures perdues alors qu’elle évoluait toujours dans le secteur de la pharmacie, elle customisait ses chaussures et sacs avec des tissus.
« Des gens ont commencé à passer des commandes. À un moment donné, je ne pouvais pas jumeler les deux activités, donc j’ai laissé la pharmacie pour me concentrer sur la customisation et la fabrication de chaussures », soutient-elle.
Confrontée à un manque de moyens financiers pour se faire coudre un pagne retenu à l’occasion d’une fête organisée dans son église, elle a décidé de customiser ses vieux vêtements pour se démarquer. Elle est immédiatement remarquée et plusieurs membres de son église passent des commandes. « Ce n’est pas un métier que j’ai appris, lorsque j’ai commencé, mes frères et mon mari m’ont encouragée. Une fois, mon petit frère m’a passé une commande de certains articles. Je me suis amusée à lui faire un sac et un chapeau d’été », se rappelle-t-elle. Déborah finit par percer le secret de sa passion et de son art.
Promouvoir le made in Togo
Spécialisée dans la confection de chaussures, sacs, colliers, boucles d’oreilles, DD Fashion, son entreprise, transforme aussi des ceintures et d’autres vêtements usés.
Elle utilise plus les réseaux sociaux pour toucher des clients non seulement au Togo, mais aussi à l’étranger et réalise des chiffres d’affaires en constante amélioration, d’année en année. Ainsi, la marque est commercialisée dans plusieurs pays à travers le monde, notamment en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Burkina Faso, au Niger, au Bénin, au Gabon, au Cameroun, en Centrafrique, en Afrique du Sud, aux Etats-Unis, au Canada, en France, en Belgique, en Allemagne, en Italie, au Qatar et à Dubaï. « Dans certains pays, les clients ne croient pas que ce sont des produits fabriqués à la main en Afrique et particulièrement au Togo », souligne-t-elle.
A travers ses articles, Déborah Agbo fait également la promotion du « Made in Togo ». « Une fois, un Camerounais qui vivait au Gabon a passé une grosse commande et m’a demandé d’enlever la mention made in Togo et de mettre plutôt made in Ghana ou un autre pays sur les chaussures. Je lui ai répondu non. Mon intention est de créer plusieurs emplois pour la jeunesse togolaise », explique-t-elle.
Si Déborah excelle dans son métier, elle n’échappe pas souvent aux critiques. « Les gens trouvent que c’est un métier d’homme. Tout ce que l’homme peut faire, la femme aussi peut le faire si la volonté y est. S’il y a des femmes pilotes d’avion, pourquoi ne peuvent-elles pas fabriquer des chaussures », affirme-t-elle souriante. Chacune de ses chaussures est fabriquée avec soin. Et les couleurs ne sont pas choisies au hasard. « L’avantage avec nous, c’est que nous fabriquons presque toutes les tailles de chaussures. Il est difficile pour certains de trouver leurs pointures sur le marché, mais avec nous, c’est facile », indique-t-elle.
Défis et perspectives
Depuis qu’elle a commencé cette aventure, la jeune entrepreneure est confrontée à un manque de financement pour développer son initiative. Elle souhaite avoir ses propres machines pour produire en grande quantité.
Deborah ambitionne aussi de réveiller le génie qui sommeille en beaucoup de jeunes. L’entreprise initie de temps en temps, des formations à leur endroit. « Nous voulons créer des emplois pour les jeunes. Nos formations nous révèlent que beaucoup ont des talents cachés qu’il faut valoriser », précise-t-elle. Ces formations ont permis de créer plus de 30 emplois.
Celle qui était pressentie pour devenir infirmière, conseille les parents à « orienter leurs enfants vers ce qu’ils savent faire le mieux » et encourage les jeunes à développer leurs talents. Son projet le plus ambitieux est d’ouvrir son usine dédiée. D’ici-là, Déborah Agbo continue de se perfectionner et d’émerveiller.
Source : Togo First